Brame 2012, quelque part au milieu d’un des espaces naturels encore préservé des « progrès » de l’humanité, et où quelques cerfs – les mêmes qui ornaient déjà les parois de Lascaux – continuent de résister tant bien que mal à la pression économique d’une exploitation forestière qui voudrait bien voir leur nombre toujours diminuer …
Le personnage central de notre récit coupe le contact de son véhicule 4 x 4 équipé des toutes dernières technologies automobiles qui l’a conduit rapidement, sans encombre et dans le plus grand confort, au cœur d’un site semi-montagneux jadis inhospitalier qui demandait alors des heures d’efforts intenses à qui voulait le rejoindre.
Renseigné la veille sur les conditions climatiques du jour et du lieu par sa station météo électronique, il a choisi sa tenue de chasse dans les moindres détails : ensemble en motif camouflage 3D hyperréaliste à nanoparticules bloquant l’émanation de l’odeur humaine, équipé d’un système chauffant à batterie Lithium longue durée intégrée, en complément de sous-vêtements thermiques en microfibre Biocéramique. Ainsi vêtu, il ne lui reste plus qu’à chausser ses bottes à membrane microporeuse imperméable et respirante, également pourvues de semelles chauffantes et qui lui garantiront de pouvoir rester posté des heures sans craindre les désagréments du vent, de la pluie et du froid.
Le temps est venu pour notre chasseur de décider quel équipement l’accompagnera dans sa quête du grand cerf espéré. Sa réflexion de la veille alimentée par les nombreux bancs d’essai et comparatifs dont il dispose au travers de la presse spécialisée et des forums Internet, l’a amené à opter pour un modèle de carabine à canon et tête de culasse interchangeables lui offrant le choix de la plupart des nombreux calibres du marché. Compte tenu des conditions de chasse, il choisit d’équiper son arme d’une lunette à fort grossissement variable dotée d’un télémètre intégré et d’un compensateur de trajectoire lui permettant d’assurer le meilleur tir lointain en situation de dénivelé.
Ne reste plus qu’à inventorier le sac à dos afin de vérifier qu’il ne manque rien qui pourrait lui faire défaut le moment venu : talkie-walkie pour communiquer avec les autres chasseurs postés sur le territoire, appareil amplificateur de vision nocturne pour anticiper sur le lever du jour, casque amplificateur d’écoute pour entendre arriver l’animal, micro-caméra à fixer sur la carabine pour filmer l’action de chasse, et enfin détecteur infra-rouge « Game-Finder » pour lui permettre de retrouver un éventuel gibier blessé.
Ainsi paré, notre chasseur rejoint le mirador qui lui a été affecté au croisement de deux allées forestières, et autour duquel ont été généreusement répartis depuis plusieurs semaines de redoutables attractants olfactifs de synthèse. Il ne fait aucun doute que « son » cerf fréquente assidument les lieux puisque celui-ci a été à de nombreuses reprises piégé par la discrète et indétectable caméra infra-rouge disposée à proximité.
C’est avec cette assurance que notre chasseur s’installe confortablement dans le mirador, au beau milieu de son arsenal technologique qui lui garantit une réussite quasi-certaine. Il ne saurait plus dire combien de temps il a l’attendu et comment il lui est apparu, mais le grand cerf est là, et il ne lui reste plus qu’à amener calmement le réticule lumineux de sa lunette au défaut de l’épaule de l’animal en pressant lentement la détente …
Mais au lieu du bruit de la détonation, c’est la sonnerie familière de mon vieux réveil qui me tire de mon rêve et me jette en bas du lit en ce beau matin d’automne. Un coup d’œil par la fenêtre pour jauger du temps qu’il va faire, avant d’ouvrir la porte au chien qui a déjà tout compris !
Un grand bol de café brulant plus tard, j’enfile ma sempiternelle veste en velours un peu râpée mais dont je me séparerais pour rien au monde tant elle a été ma fidèle compagne depuis des années, et je décroche le juxtaposé du râtelier en sifflant le chien qui n’en peut plus d’attendre. Nous voilà partis avec en poche une poignée de cartouches bourre grasse, pour rejoindre le petit bois tout proche dans lequel nous devrions rencontrer un garenne survivant de la myxomatose, et qui sait peut-être mettre sur l’aile une belle mordorée arrivée dans la nuit.
C’est ainsi le soir venu, que maître et chien s’assoupiront tous les deux devant le feu de cheminée, avec le souvenir amusé de cette bécasse-sorcière évanouie derrière un tronc en une fraction de seconde sans même pouvoir la tirer, et en rêvant simplement à nos lointains ancêtres de Lascaux qui poursuivaient la même quête éternelle que leurs descendants …